Convertissez-vous et croyez à l’Évangile

Dans quelques instants, nous recevrons les cendres avec cette parole : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

Supprimez le second terme de la phrase et l’ordre de se convertir perd tout son sens.

  • A quoi bon, en effet, se convertir si ce n’est à l’Évangile ?
  • A quoi bon prendre sa croix, aussi lourde et mortifiante qu’elle soit, si ce n’est à cause du Christ ?

Se convertir n’a pas de sens en soi. S’il faut se retourner (ce qui signifie se convertir), c’est vers le Christ qui nous appelle.

Seul son appel permet de discerner le superflu dont il importe de se détacher, de s’abstenir ou de jeûner, sans que cela devienne une fin en soi.

Nous vivons dans la culture de l’accomplissement de soi, de l’épanouissement personnel.

Nombre de nos contemporains sont capables d’une ascèse dont les plus rigoureux des maîtres spirituels n’auraient pas rêvé pour leurs disciples !

Mais si ces derniers s’y soumettent, c’est en vue d’accomplir des performances sportives, psychologiques, intellectuelles, exceptionnelles qui exigent une grande maîtrise de soi, un parfait sens de l’équilibre et une haute concentration. Pas grand-chose à voir avec le carême !

Si chaque année, au carême, nous faisons retour sur nous-mêmes, ce n’est pas dans une attitude narcissique ou un geste d’autosatisfaction, mais dans la lumière de la miséricorde de Dieu.

Car

  • s’il nous est possible de nous reconnaître pécheurs,
  • s’il nous est possible de recevoir les cendres,
  • s’il nous est possible d’entrer dans un chemin de conversion,

c’est parce que dans l’expérience de la foi chrétienne, l’identification du péché est indissociable de la miséricorde de Dieu qui nous permet de voir le mal en nous, sans désespérer.

C’est parce que nous croyons que Dieu est un Dieu de tendresse et de miséricorde, comme nous le disait à l’instant le prophète Joël.

C’est parce que nous savons que le Christ a donné sa vie pour nous délivrer du péché que nous pouvons oser regarder en face le péché de notre cœur.

S’il y a aujourd’hui une perte du sens du péché, c’est d’abord parce qu’il y a une perte de la foi !

Si nous jeûnons et prions, c’est parce que le jeûne comme la prière est un acte de foi.

Nous faisons l’expérience, nous la faisons dans notre chair et dans notre esprit, que celui qui nous fait vivre, c’est Dieu.

Ce travail intérieur ne se fait pas sans souffrances, c’est une épreuve. Laisser grandir en nous l’homme intérieur oblige à faire taire beaucoup de voix qui nous habitent.

Renoncer à beaucoup de choses qui nous occupent, c’est cela notre jeûne.

Ce travail intérieur n’est pas l’objet d’un spectacle. Jeûner, faire l’aumône (partager) et prier, cela n’est pas remplir un cahier des charges dont on pourrait se targuer devant les hommes !

C’est mettre en pratique, chacun dans le secret de sa vie, la puissance de l’amour de Dieu qui, seul, voit dans le secret. Voilà cette expérience que l’Église nous propose de vivre.

Il faut se demander quelle sorte de jeûne peut nous convenir.

Il vous arrive peut-être de regarder des clips vidéo. Je suis allé vérifier : les plans n’y durent jamais plus de deux ou trois secondes, c’est-à-dire que jamais on ne nous laisse le temps suffisant pour contempler la forme accomplie.

Le désir excité aimerait s’immobiliser en contemplation mais se trouve sans cesse frustré et aussitôt relancé par une excitation nouvelle…

C’est le ressort de la toxicomanie, c’est-à-dire créer le manque et l’assouvir juste assez peu pour qu’il soit relancé.

En christianisme, la tradition de jeûne de carême est issue de la pratique des catéchumènes qui, pour se préparer au baptême durant la vigile pascale, étaient invités à se tourner vers Celui qui les appelait en ménageant dans leur existence l’espace nécessaire pour qu’Il vienne y séjourner.

  • Qu’est-ce qui vaudrait la peine d’être vécu s’il n’y avait plus que peu de temps pour le vivre ?
  • Qu’est-ce qui encombre ?
  • Quelles sont les addictions qui occupent tout le champ de notre attention et trompent l’ennui par une excitation superficielle ?

Addictions différentes pour chacun :

  • addiction à des conversations superficielles et répétitives,
  • addiction au travail forcené qui est devenu sa fin en lui-même,
  • addiction de flux des informations,
  • addiction aux clips sans profondeurs, à la communication sans but, à Internet,
  • addiction aux biens péniblement acquis dont on ne s’accorde jamais le loisir d’en profiter.

 

Que sais-je encore ? Pour ce qui le concerne personnellement, chacun sait.

Nous sommes donc invités à nous retirer dans la chambre intérieure, à en fermer la porte et à nous tourner vers le Père.

Mais la porte ferme mal, quelque chose bloque. Quoi ? C’est sans doute cela qu’il nous faut discerner pour en entreprendre le jeûne.

Pendant quelques instants de silence, prions dans le secret de notre cœur pour que notre démarche de ce jour porte du fruit durant ce carême et nous prépare activement à vivre le mystère de Pâques.

Ce chemin qui nous prépare donc à la célébration de la mort et de la résurrection du Christ est aussi une aventure communautaire, dans laquelle nous accueillons et accompagnons les catéchumènes qui seront baptisés à la Vigile pascale.

Samedi après-midi et dimanche, nous célébrerons l’appel de 125 catéchumènes adultes de notre diocèse. Et le samedi suivant, 90 jeunes.

Ces futurs baptisés sont au milieu de nous pour rappeler la force de notre baptême, mais aussi pour que nous les soutenions dans leur chemin de conversion.

Avec eux, nous revenons à la source de notre foi afin que notre vie baptismale prenne à nouveau toute sa vigueur, avec le Christ. Amen.

Monseigneur Stanislas Lalanne
messe des cendres à Saint-Maclou

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