Dimanche 10 mai 2020
5ème dimanche de Pâques – Année A
« Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin ? » (Jn 14, 5). Encore Thomas ? L’évangile du 2e dimanche de Pâques ne nous avait-t-il pas relaté le mémorable épisode de son doute (Jn 20, 19-31) ? Malgré sa remarquable confession de foi (« Mon Seigneur et mon Dieu »), des jugements hâtifs et opiniâtres l’ont souvent imposé comme leader inamovible des personnes incrédules. Pourtant, c’est bien notre saint Thomas qui encouragea ses amis à rejoindre Jésus à Jérusalem pour lui rester solidaires durant la Passion (Jn 11, 16). Aujourd’hui, c’est encore sa question qui suscite la célèbre parole de Jésus selon laquelle il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Révélation de Jésus qui surgit après l’annonce de son départ vers son Père et qui déchaîne l’inquiétude des disciples. Ils ne comprennent pas où il est censé aller et ils se demandent ce qu’ils deviendront sans lui. Qui les guidera ? Qui restaurera leurs cœurs troublés ?
Donne-nous Seigneur ta destination pour que nous en découvrions le chemin.
Thomas représente chacun de nous à qui Jésus se révèle comme le Chemin. Autrement dit, Jésus nous donne pour guide sa personne et son message. Il est donc la route pour notre vie, la route paisible qui longe le désert de nos angoisses et des lendemains inconnus. Il est aussi la voix intérieure qui nous relève, cette même voix qui résonne en nous à travers l’affirmation déterminée de Pierre en 2e lecture : « Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut » (1 P 2, 9). Ainsi, Jésus notre Chemin nous rappelle que chacun de nous est un trésor, quoi qu’en disent nos pensées les plus confinées. Nous ne sommes pas des personnes de moindre importance, mais plutôt une descendance choisie, même si les déceptions et les découragements peuvent parfois émousser notre dignité.
Nos aînés dans la foi n’avaient-ils pas eux-mêmes connu l’amertume lorsque, sur la route d’Emmaüs, Jésus les avait rejoints dans leur marche incertaine ? Rappelons-nous qu’ils avaient quitté Jérusalem déçus et découragés, et que Jésus les avait fait revenir dans un parcours de foi et de témoignage opposé à leur trajectoire antérieure (Lc 24, 13-35 [deuxième dimanche de Pâques]). De nos jours, Jésus rejoint chacune de nos marches chancelantes sur lesquelles il sème la confiance en l’avenir, trajets titubants de nos cœurs angoissés à qui il dit de ne pas être bouleversés. Bien qu’elle évoque explicitement le Père, la destination de Jésus – que demande Thomas –, c’est aussi notre cœur, notre vie intérieure à laquelle Jésus donne un sens.
Seigneur, que deviendrions-nous sans toi ? Nous croyions avoir définitivement dompté l’espace et le temps avant de comprendre que nos seules certitudes technologiques ne peuvent répondre à nos besoins les plus salutaires. Nous voici si petits, et nous nous tournons vers toi qui es la Vérité, l’inéluctable Chemin vers la Vie.
Jésus est certes le Chemin qui donne sens à notre vie intérieure. Mais cette voie de confiance ne nous épargne pas les reliquats du confinement, prémices d’une renaissance : pertes de repères de notre monde, maladies, anxiété due à la conjoncture, crises familiales, décès de nos proches et de nos amis. Durement éprouvée, la première communauté chrétienne avait elle aussi connu des souffrances et de graves conflits internes. La première lecture nous rapporte en effet des tensions entre chrétiens d’origine grecque et ceux d’origine juive à propos des activités sociales de l’Église naissante (Ac 6, 1). Chemin de réconciliation et de paix, Jésus avait lui-même inspiré aux apôtres de choisir Étienne – premier diacre et premier martyr – pour apaiser les cœurs. C’est ce même Jésus, Lumière intérieure, qui nous dit ces mots tendres et rassurants : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé » (Jn 14, 1).
Père Fred Olichet Biyela
[Chant : « Jésus le Christ », Taizé/Jacques Berthier https://www.youtube.com/watch?v=85BBC1OHr5M]
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