Homélie du père Édouard

Pour les obsèques du père Guillaume Villatte

Au moment où nous entrons dans le printemps, nous sommes dans l’émerveillement devant la puissance de vie qui est à l’œuvre : alors que la nature paraissait endormie, que la vie semblait l’avoir désertée, nous voyons de jeunes pousses bourgeonner, des fleurs éclore et nous enchanter. Miracle d’une vie sans cesse renouvelée, qui exprime la beauté, la créativité inépuisable de l’Amour de Dieu.

Le prophète Osée nous transmet ces paroles de la part du Seigneur : « Je les aimerai d’un amour gratuit. […] Il fleurira comme le lis, il étendra ses racines comme les arbres du Liban. Ses jeunes pousses vont grandir, sa parure sera comme celle de l’olivier, son parfum, comme celui de la forêt du Liban. »

Alors que notre frère Guillaume nous quitte, nous découvrons, étonnés, émerveillés, toute la floraison et la vitalité de son existence. Dieu agit souvent humblement, de manière cachée. Un jour, les fleurs apparaissent, les fruits se manifestent. « La nature est généreuse », aimait à dire Guillaume, qui a formé son cœur à l’admiration de Dame Nature, depuis son enfance passée au Cameroun, dans la plantation familiale.

Ce qui frappe, dans tous les témoignages reçus depuis mercredi dernier, quel que soit le lien que nous avons pu avoir avec le père Guillaume, c’est la fécondité de sa vie. Une germination lente, patiente, parfois hésitante, multiple, qui se dévoile désormais au grand jour, comme un printemps après l’hiver. Chacun a pu cueillir quelques fleurs, goûter déjà quelques fruits.

L’engagement du père Guillaume a été entier, radical : par sa prière fidèle, par son long compagnonnage avec les saints du Carmel, ses racines profondes lui ont permis de puiser la sève de l’amour divin dans le Cep du Christ : « Moi, je suis la vigne et vous les sarments », nous dit Jésus. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruits. […] Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruits. »

Dans le secret, je crois, Guillaume a été purifié par les épreuves intérieures, comme tout sarment qui veut laisser passer en lui la sève de l’amour divin pour permettre à d’autres de goûter les fruits de l’amour véritable : « Tout sarment qui porte du fruit, mon Père le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. »

Le propre de l’amour, c’est de donner vie à d’autres. Nous rendons grâce aujourd’hui pour la vie sur terre du père Guillaume et pour son ministère de prêtre dans notre beau diocèse de Pontoise. Il a permis, à travers ses paroles, sa voix toujours très calme, sa présence, son sourire, son attention à tous, de transmettre à beaucoup la vie du Christ : « Ils fleuriront comme la vigne, ils seront renommés comme le vin du Liban. » Un excellent vin, qui réjouit le cœur de ceux qui l’ont goûté. Et qui, je le crois profondément, a réjoui aussi le cœur de Guillaume lui-même : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » a promis Jésus à ses apôtres.

Beaucoup l’ont observé ces dernières semaines – avait-il un pressentiment de son départ prochain ? – Guillaume semblait plus recueilli, plus souriant, plus heureux. Oui, il me semble que notre frère est parti heureux, le cœur en paix, prêt à reposer auprès de Celui qu’il a servi. « Viens te reposer sur mon cœur » était le titre de la retraite qu’il était en train de prêcher, la semaine dernière, dans la paroisse Notre Dame de la Fraternité.

En bon disciple de Saint François d’Assise, Guillaume savait louer Dieu à travers toutes ses créatures. Au moment de quitter notre frère bien-aimé, dans le deuil qui nous étreint, nous offrons au Seigneur « en sacrifice les paroles de nos lèvres », les paroles finales, précisément, de ce Cantique des Créatures que connaissait bien Guillaume : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. »

Il arrive parfois que la tempête arrache des arbres encore vigoureux. Il arrive aussi qu’une branche ploie sous le poids de ses nombreux fruits, et se brise.

Fragilité du vivant, précarité poignante des êtres vivants, qui oblige le regard humain à s’ouvrir à une autre dimension que la vie biologique. Que retiendrons-nous du passage de notre frère Guillaume sur cette terre ? Mais aussi : que reste-t-il de lui ?

Celui qui aime est déjà entré dans la vie éternelle. Il a déjà part au monde de la Résurrection, celui qui a su accueillir l’amour du Christ et le redonner. Notre regard doit s’élever du cercueil au vitrail de la Résurrection du Christ [au sommet de l’abside dans la cathédrale].

En nous quittant de manière brusque, le père Guillaume, habitué à proposer des exercices spirituels aux personnes qu’il accompagnait, nous laisse en quelque sorte un exercice très particulier à vivre, un acte d’espérance à poser. Non pas une vague espérance, mais un acte d’espérance concret, précis : protéger les fleurs et les fruits qu’il nous a laissés. A travers eux, le Seigneur nous a montré son Amour, Il nous a fait découvrir sa beauté, Il nous a nourris. Il a éveillé nos cœurs à l’espérance, il a tourné nos yeux vers une promesse à accueillir et à faire grandir. Un jour, nous l’espérons, nous le croyons, nous aurons la joie de revoir, avec nos yeux de chair, auprès du Seigneur Ressuscité, notre frère Guillaume, avec tous ceux que nous avons connus et aimés.

Un jour, après le long hiver de l’histoire humaine et de la mort, le nouveau printemps de la Résurrection surgira, un printemps définitif, éternel. Une nouvelle pousse sera dévoilée, de nouveaux bourgeons perceront les branches inertes. Alors, quand le Seigneur aura pleinement déployé son Esprit vivifiant dans tous les sarments de la Création et de l’histoire, nos pauvres corps mortels seront transformés à l’image du corps ressuscité du Christ.

Cet acte d’espérance nous est confié à nous, l’Église du Christ. Guillaume aimait profondément l’Église, qu’il a servie de toutes ses forces. L’Église, ce grand écosystème de la vie divine sur terre – et au-delà, car nous sommes tous reliés.

Dans cette eucharistie, frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur du fond du cœur pour la fécondité de la vie et du ministère de prêtre de notre frère Guillaume.

Et tenons ferme, ensemble, dans l’espérance ! Prions pour que dès aujourd’hui notre frère Guillaume soit uni à tous les saints du Ciel, ses compagnons de route sur cette terre. Prions pour qu’un jour, nous soyons tous pleinement unis dans l’unique Corps du Christ, la Vigne véritable, qui veut nous donner sa Vie pour l’éternité.

Pax et bonum, cher Guillaume !

 

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3 commentaires

  1. Merci Père Edouard pour cette homélie que j’ai vécue comme vraiment communiquée par l’Esprit de DIEU. Votre parole avait déjà été très apaisante pendant la veillée de samedi 29 mars à Pontoise…
    Je suis un paroissien du Plessis Bouchard et me considère comme un ami du Père Guillaume dont je peux témoigner avec assurance qu’il m’a communiqué un peu du parfum de DIEU…
    Merci vraiment pour cette homélie qui m’a beaucoup aidé à avancer vers un chemin d’apaisement; je suis sorti de cette messe des obsèques bien plongé dans cette espérance que je reverrai le Père Guillaume auprès de DIEU… Les graines qu’il a semées en moi avaient commencé à germer et je sens bien que DIEU en veut plus…
    Du courage à vous aussi qui étiez si proche de lui. Cette homélie est un adieu vraiment “chargé” qui aide. J’ai assisté à une messe que vous avez présidée à Saint François de Sales au Plessis en remplacement du Père Guillaume et cette puissance douce se dégageait déjà…
    Encore merci Père Edouard!

  2. Merci père Édouard, le père Guillaume, a suivi notre famille depuis le début, baptêmes, mariage, enterrement. Nous étions tous très attachés à lui. Il a su conforter notre foi, et être un véritable guide. Votre homélie était superbe merci pour lui qui a dû être touché de là-haut.
    Merci, merci, merci.

  3. Merci beaucoup père Édouard pour cette magnifique Homélie, très touchante, saisissante, et cet hommage à notre cher père Guillaume. Oui, restons dans cette espérance, réjouissons-nous pour lui qui a combattu le bon combat jusqu’au bout, et à notre tour, tenons bon avec la grâce de Dieu, le chemin qu’il nous reste encore à vivre sur cette terre de pèlerinage.

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