Compte rendu de la Conférence de carême du 9 mars 2018 : Comment l’entreprise humanise ? et vice et versa

Cette 2ème soirée des conférences de Carême 2018 a commencé par une prière à l’Esprit Saint, une présentation du mouvement des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) et une présentation des intervenants :

Raphaële Gauducheau, Directrice Générale Déléguée Alixio

Eric Le Cerf, Directeur Commercial Kellogg’s France

Edward Hladky, Président Iron Mountain France et président d’Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens Val d’Oise.

Par des exemples concrets les intervenants ont abordé deux questions :

– Comment l’entreprise les humanise ?

– Comment chacun tache de l’humaniser en tant que dirigeant ?

Nous étions peu nombreux à peine une vingtaine, mais nous étions ravis de profiter de ces témoignages sincères, profonds.

Si les 3 intervenants avaient eu la gentillesse d’accepter l’invitation que leur avait faite le Père Machenaud, en faisant l’effort de venir consacrer leur soirée du vendredi soir hors de leur famille pour partager un témoignage, ils avaient aussi la satisfaction d’accomplir leur mission d’aller au-devant des autres pour partager leur foi et leur conviction ; ils étaient déjà fortifiés et soudés par l’expérience de leurs réflexions au sein de leur mouvement des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens du Val d’Oise.

Nous autres, en assistant à cette conférence nous avions aussi fait un effort pour nous libérer et accepter de venir écouter à la fois curieux et confiant en la capacité des intervenants à nous faire grandir en humanité et mieux comprendre certains modes de fonctionnement des entreprises.

Quelques cas concret abordés :

  1. Face à une décision de mettre en place une nouvelle organisation (1 seule organisation commerciale) et un business model différent (de CDI à free-lance) : comment réagir ?
  • Dans les échanges avec les collaborateurs, ceux-ci peuvent parfois remettre en cause des décisions, challenger « le Grand Sachant » qui mène la réforme…. Savoir les écouter ouvre à une voie d’humanisation. C’est une leçon d’humilité, qu’il faut savoir accepter : se laisser pétrir par Dieu. Cette expérience révèle aussi la difficulté à communiquer, à porter une décision, à parvenir à l’adhésion des collaborateurs. Le rationnel ne suffit pas, il faut savoir considérer l’émotionnel : identifier l’émotion de l’autre et accepter soi-même d’introduire une dose d’émotion dans son comportement pour devenir plus humain.
  1. Comment engager la fermeture de bureaux de province, guidée par une logique de rentabilité dictée par les cours de la bourse d’une société américaine… qui conduira à la disparition des contrats de travail locaux et des services rendus aux clients en proximité… ?
  • « Alors que souvent nos supérieurs nous demandent de gérer nos affaires selon des chiffres (KPI’s, Revenu, Ebitda), l’entreprise nous ramène à des réalités humaines bien concrètes qui se télescopent parfois ». La fermeture de bureau : c’est dur pour tous : ceux qui partent et doivent renoncer à leur travail, et ceux qui restent qui doivent assumer le travail restant en se disant que ce sera bientôt leur tour… La charge émotionnelle est forte. Même si l’entreprise accompagne les salariés pour leur recherche d’emploi on sait pertinemment que ce sera difficile, voire parfois impossible. C’est sur la manière de faire, que tout se joue ! La solution adoptée a été de travailler sur la durée de se donner le temps et de mener la réorganisation en 2 ou 3 ans, le temps de trouver les meilleures solutions possibles.
  1. Les objectifs la pression des reportings (des KPI) à la mode américaine sont un cauchemar. Ils génèrent parfois des climats de compétition au sein des équipes, ils aliènent… Pas d’issue possible sinon décider de partir… D’où le choix de quitter l’entreprise pour en trouver une autre mais laquelle ?
  • Au-delà des réalités et objectifs économiques au cœur des préoccupations de l’entreprise et du dirigeant, l’entreprise est aussi et avant tout une communauté humaine liée par une vision, une finalité et des valeurs. « Pour bien me sentir dans mon travail, j’ai progressivement été amené à me préoccuper de la culture de l’entreprise dans laquelle je considérai travailler. L’adéquation entre ses valeurs, celles de mon équipe et les miennes est une condition majeure de mon épanouissement personnel et donc, au final, de ma performance en tant que leader. En me sentant très bien dans l’entreprise (partageant les mêmes valeurs) je suis aussi devenu performant ». L’entreprise peut humaniser par ses valeurs. Le manager peut adopter un comportant plus humain :
    • En plaçant autant d’importance sur le COMMENT que le QUOI, c’est-à-dire sur l’adhésion et le comportement de chacun en adhésion avec les valeurs (intégrité et respect, humilité, passion, responsabilité personnelle) autant que sur les résultats atteints.
    • En exigeant des managers (objectif individuel) qu’ils aient un dialogue régulier avec leurs collaborateurs pour les coacher et leur donner du feedback, ainsi que sur leur développement personnel. La mauvaise note ne doit pas être une mauvaise surprise. Par des contacts réguliers, « on est dans le match », « on ne dévisse pas ». Si le salarié découvre et est surpris par une appréciation mauvaise, c’est que son manager n’a pas fait on travail d’accompagnement et de suivi, c’est aussi son rôle de manager.
  1. L’entreprise est un lieu de vie ; il faut savoir aussi les vivre humainement.
  • L’entreprise est, comme la famille, un lieu de vie, de rencontres, d’échanges, et donc de développement, d’humanisation. Ill faut savoir prendre en considération les naissances, les mariages y compris intra entreprise, mais aussi les maladies plus ou moins graves (ex: alcoolisme), les accidents, les décès (1 membre du CE, 1 directeur IT, 1 Patron…) : on les « vit avec » nos employés, on les accompagne (ex: veuves) : cela humanise… L’entreprise est un lieu de rencontres : avec toutes les catégories sociaux professionnelles (depuis Punita la femme de ménage immigrée jusqu’à Bill qui participe au forum de Davos) : cela humanise…
  • L’entreprise amène à prendre des risques qui force à bouger, à aller plus loin…
  1. Quand le Président de mon entreprise avait décidé de changer toute mon équipe de direction brutalement, sans ménagement et sans envisager leur repositionnement pour « placer » des personnes (pour services rendus, politiques…)… Comment réagir ?
  • Il faut savoir discerner l’acceptable de l’inacceptable, savoir dire non, utiliser sa marge de manœuvre pour faire ce que sa conscience nous dicte (sinon cela ne devient plus possible, invivable) et quand ce n’est plus possible on est amené à renoncer et décider de partir. Si l’objectif est rude il faut trouver les moyens et la manière de rendre plus humaine la décision qui s’impose. « Je considère mes collaborateurs en tant que « personne » et non pas comme une « ressource » (humaine); je mets en place des pratiques « humanisantes ».
  • Et quand les conditions redeviennent « normales », il faut savoir reconnaitre la contribution de chacun dans la réussite des projets, célébrer les succès…
  1. Quand il faut prendre la responsabilité de deux équipes sans chef, qui avaient vécu une année très difficile, qui ne se faisaient pas confiance et communiquaient mal entre elles… Le manque de courage de certains managers conduit souvent à des situations détestables et génère des conflits…
  • Plus que jamais, les principes de la Pensée sociale chrétienne (la dignité au travail, le bien commun, la subsidiarité, la participation, la solidarité) sont compatibles et nécessaires avec l’accomplissement de la mission de dirigeant.
  • Lors d’une réunion, nous avons travaillé ensemble pour définir nos priorités et nous aligner autour d’une vision commune centrée sur:
    • Un Leadership centré sur l’exigence et la bienveillance
    • Au service de nos équipes, garant de nos ressources
    • Qui communique et qui agit
    • Solidaire entre nous et de nos partenaires
    • Entrepreneurs, autonomes et fiables

Il ne faut pas dire c’est la faute de l’autre, il faut prendre sa part de responsabilité, convenir de priorités. Il faut allier exigences et bienveillance. « Diriger c’est servir ». Il y a une façon de vivre notre rôle, que nos valeurs chrétiennes peuvent éclairer.

  1. Face à des cas de suppression de postes (pse) : il faut rencontrer les gens, identifier les plus faibles ou à risque, les accompagner individuellement jusqu’au bout…
  • En m’efforçant de « donner du sens » au travail de mes collaborateurs ; en étant présent à tous les entretiens, en repérant les personnes à risques en besoin d’accompagnement pour être plus vigilant, pour les soutenir, en nouant des partenariats de société Planète urgence (pour coupler l’action avec une orientation Responsabilité Sociétale de l’Entreprise)

En guise de conclusion :

Depuis Ignace de Loyola jusqu’à la lecture du dernier ouvrage du Père belge Dominique Janthial « devenir enfin soi même » aux éditions de l’Emmanuel – : Dieu nous appelle à nous « humaniser » à « devenir pleinement nous-même », a passer de l »être comme » à l »l’être pour », du faux ego (le « paraitre ») au vrai moi.

Pendant les échanges suscités par ces témoignages la question de la vie familiale a été mise en exergue : elle est au centre de l’équilibre individuel. Parmi les échanges qui ont suivi la conférence, le thème de la nouvelle génération a été abordé : cette génération (dite « Y ») a tendance à réagir de façon inattendue face à l’autorité, ces jeunes de moins de 30 ans ne craignent pas de dire « NON », de discuter pour comprendre le sens des missions qu’on leur propose. Les initiatives hors normes présentées par les 3 intervenants avaient aussi pour point commun : le respect de l’individu et une confiance dans leur capacité à faire face, à se différencier, à aller à contre-courant pour mettre en œuvre leur conviction : ne pas céder à la tentation du gain à tout crin et de la priorité donnée à la rentabilité. On a senti que tout ceci ne s’était pas fait de façon automatique et sans douleur, chacun avait connu des épreuves et des temps difficiles avant de trouver sa voie propre et parvenir à une certaine sérénité.

Inversement ces attitudes souvent courageuses avaient en retour un bénéfice : en rendant l’entreprise plus humaine, eux aussi gagnaient en humanité. Ce cheminement progressif s’accompagnait d’autres bienfaits personnels d’équilibre de vie, d’harmonie, une forme de rencontre avec le Divin.

Propos rapportés par Pascal Gautier.

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